Interruption thérapeutique de la grossesse (ITG) à Madagascar ?
Avis du Collège Malagasy des Gynécologues-Obstétriciens (COMAGO)
L’interruption de la grossesse pour motif médical est autorisée dans certains pays pour sauver la vie de la femme si elle est menacée par sa grossesse (interruption thérapeutique de la grossesse, ITG) ou si le fœtus présente des risques de malformations graves (interruption médicale de la grossesse, IMG).
Interruption de grossesse pour indications maternelles à Madagascar
Bien qu’aucun texte juridique ne l’autorise, l’interruption de la grossesse pour des pathologies maternelles menaçant la vie de la femme est de pratique courante à Madagascar, notamment dans les hôpitaux publics. Les médecins agiraient-ils ainsi en totalité illégalité ? La réponse serait l’affirmative. Cependant, ces médecins n’ont d’autres choix que d’accomplir leurs devoirs et de respecter leur code de déontologie stipulant de porter assistance et de s’assurer que le malade reçoive les soins nécessaires (Articles 7 et 28 du Code de déontologie médicale).
Le médecin doit à la personne qu’il examine ou qu’il soigne une information loyale, claire et appropriée sur son état, ainsi que les investigations et les soins qu’il lui propose (Article 19 du Code de déontologie médicale).
Dès lors que la vie de la mère est menacée à cause d’une pathologie mettant en péril grave sa santé, telle qu’une cardiopathie sévère avec risque imminent de décompensation, le médecin l’en informe et lui expose les possibilités de prise en charge, y compris l’interruption de la grossesse, quel qu’en soit son terme et donc, quelle qu’en soit l’issue néonatale.
Dans tous les cas, le consentement de la personne soignée doit être recherché ; et lorsque la malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse le traitement proposé, le médecin respecte ce refus après avoir informé la malade de ses conséquences (Article 19 du Code de déontologie médicale).
Ainsi, dans notre pratique quotidienne actuelle, devant une pathologie engageant le pronostic vital de la mère, l’intervention des médecins consiste à faire naître un enfant sans considération de son âge gestationnel, dans le but d’essayer de « sauver » la vie de sa mère. En fonction du contexte et du terme de la naissance, le fœtus peut s’en sortir comme il peut également succomber. Il est aussi important de signaler que même si une interruption de la grossesse pour une indication maternelle a été réalisée, la mère peut elle-même succomber en fonction de son état de santé et de l’avancée des complications au moment de la décision d’interrompre la grossesse. Le médecin aura cependant établi son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et disponibles (cf Articles 26 et 27 du Code de déontologie médicale), puis, il aura informé la malade des possibilités thérapeutiques et de pronostic.
Interruption de grossesse pour indications fœtales à Madagascar
Dans les pays où l’interruption médicale de la grossesse est autorisée, les indications fœtales sont représentées par les malformations congénitales incompatibles avec la vie ou toutes autres malformations dont une prise en charge thérapeutique n’existe pas à l’époque du diagnostic.
Il est important de préciser que l’interruption thérapeutique de la grossesse pour indications fœtales (ou IMG) est corollaire de diagnostic anténatal performant. Poser le diagnostic d’une malformation fœtale nécessite impérativement une échographie morphologique de qualité réalisée par une personne compétente et expérimentée, avec un appareil performant, et qui aura été confirmée par un second examen de contrôle pour attester l’anomalie. Il faut cependant préciser que l’examen échographique, bien que de plus en plus performant, a ses limites et ne permet pas de dépister toutes les anomalies fœtales, d’autant que certaines ne sont pas décelables à l’échographie. A Madagascar, force est de constater que les cabinets médicaux réalisant cet examen d’imagerie pullulent. Décider d’interrompre une grossesse n’est pas une décision facile. Dans les pays où l’interruption médicale de la grossesse (IMG) est autorisée, le couple dont une anomalie morphologique a été constatée à l’échographie est souvent envoyé vers un médecin référent d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) pour un deuxième avis et/ou une prise en charge adaptée à la pathologie découverte chez le fœtus. Lorsqu’une pathologie incompatible avec la vie ou inaccessible à tout traitement est diagnostiquée, la décision d’interrompre la grossesse relève de la demande des parents après un temps de réflexion où ils seront accompagnés psychologiquement et informés sur toutes les étapes à venir.
A Madagascar, dans notre pratique actuelle, il est impossible de procéder à un geste fœticide avant la naissance devant la constatation d’une malformation fœtale. Dans ce cas, étant donné que la malformation fœtale est souvent diagnostiquée à un stade assez tardif de la grossesse, le risque d’accoucher d’un fœtus, certes malformé, mais vivant, est élevé. De l’autre côté, il est interdit de pratiquer un infanticide sur un fœtus né vivant, même malformé. « Pour les accoucheurs, la difficulté affective et morale de devoir provoquer la mort d’un fœtus n’est pas moins grande que pour des pédiatres celle de devoir procéder à l’euthanasie active d’un nouveau-né », disait Milliez J en 1999.
En pratique courante, devant la constatation d’une malformation fœtale in utero, de nombreux couples suggèrent d’autres alternatives à l’IMG, telles le fait d’attendre la mort in utero, voire même la naissance naturelle d’un enfant qui ne vivra pas, tout en réalisant sur lui un accueil et des soins palliatifs ajustés.
Pratique de l’ITG à Madagascar
Interrompre une grossesse pour une raison médicale, que ce soit pour une indication maternelle ou fœtale, relèverait toujours d’une décision pluridisciplinaire impliquant plusieurs spécialistes selon la pathologie en cause. Cependant, toutes les régions de Madagascar ne disposent pas de ce pôle de compétences cliniques, biologiques, et d’imageries permettant une prise en charge cadrée et sécurisée des femmes enceintes.
Le risque de dérive de la pratique, transformant l’interruption thérapeutique de la grossesse (ITG) en une interruption volontaire de la grossesse (IVG) est élevé dans un pays où les ressources humaines et les possibilités techniques ne permettent pas de cadrer une intervention médicale délicate et spécialisée.
En conclusion
Le Collège Malgache des Gynécologues – Obstétriciens (COMAGO) ne prend parti sur aucune décision concernant l’interruption thérapeutique de la grossesse à Madagascar. Néanmoins, ces avis ont été formulés dans un but essentiellement scientifique et d’information eu égard au système de santé actuel à Madagascar.